Ils étaient 25 000 spectateurs sur l’aéroport de Mollis les 18 et 19 août 2023, pour assister au meeting de jets et warbirds le plus insolite d’Europe.

Habitués aux horizons plats du Bourget, de La Ferté-Alais ou de Duxford, les fanas de l’aviation français ne connaissent pas forcément les magnifiques sites alpins de nos proches voisins helvétiques qui accueillent notre Rafale Solo Display (RSD), quelques-uns de ses rivaux et des warbirds rutilants. Zigairmeet : c’est ainsi que le canton de Glaris a nommé son meeting organisé tous les deux ou trois ans, depuis 2009, sur son petit aéroport d’aviation d’affaires, à Mollis, à 45 minutes de route, à l’est de Zürich.

Une scène d’opéra du ciel

Quand on consulte la brochure ou le site internet du meeting, ce n’est pas le plateau et ses avions qui sont mis en avant, mais le paysage lui-même, avec ses montagnes abruptes entre lesquelles la petite piste de 1 555 m se trouve encaissée : Zigairmeet, c’est une scène d’opéra du ciel.

La base de Mollis était opérationnelle pour Hunter et F-5E/F jusqu’en 1999. Aujourd’hui, cette « base dormante » ouvre ses hangarettes, dont certaines sont creusées dans la roche, à l’occasion du meeting, de façon à mettre à l’abri les aéronefs militaires pendant la nuit.

La piste est orientée dans le sens nord-sud, avec, longeant sa bordure ouest, le mont Rautispitz, qui culmine à 2 283 m, et immédiatement à l’est de ce tarmac le Fronalpstock, à 2 124 m d’altitude. Mais le pied du Rautispitz siège à près de 1 200 m de cette bordure ouest de piste : c’est justement le long des pentes de cette montagne que le spectacle se déroule de 10 à 17 heures.

Zigairmeet, c’est un meeting régional, ce qui n’empêche pas les organisateurs d’inviter, en plus du F/A-18 C national, trois armées étrangères représen tées par un Eurofighter Typhoon allemand, et les « solo displays » des Lockheed Martin F-16 MLU belge et Dassault Rafale français. Les surfaces de parkings étant réduites, le C-17 de la RAF a dû annuler sa venue, et le F-16 belge et le F/A-18 ont rejoint le site directement depuis leurs bases, pour faire leur « démo ». Malgré l’étroitesse des lieux, avions et hélicoptères stationnent tous alignés sur un unique taxiway longeant la piste : EC635, H145, Antonov An-2, Stearman, Morane D-3801, Do 27H2, OV-10B, DC-3, ainsi que trois Beechcraft 18, un Lockheed 12 Electra, et surtout les « musts » de l’industriel national Pilatus : des plus anciens P-3-05 aux PC-7 Turbo Trainer, en passant par les PC-6B2/ H2M des Forces aériennes suisses. Vedettes dans toute l’Europe centrale, les Flying Bull venus du Hangar-7 de Salzbourg, viennent faire briller leurs F-4U4, P-38 L, B-25 J sur les pistes.

Contrairement aux meetings où ils ont l’habitude de voler toute la saison, les pilotes de jets modernes sont obligés d’adapter leur programme en fonction de la proximité du Rautispitz et de sa hauteur. Ne pouvant évoluer en profondeur, ils tirent profit du décor et s’y adaptent, en longeant le plus longtemps possible la montagne.

Sur F-16, Steven De Vries remonte les pentes jusqu’en haut de la montagne à trois reprises. Le pilote belge explique qu’il doit mettre la PC à mi-chemin pour que son monoréacteur ait assez d’énergie pour aller jusqu’en haut, avant d’entamer une descente en G négatifs. Les Rafale et Typhoon – pourtant un peu moins spectaculaires que leur collègue belge – arrivent à tirer profit de leurs deux moteurs, pour encaisser bien plus d’énergie. Un effet visuel de parallaxe – ou de superposition à distance – crée un trompe-l’oeil : les avions semblent se frotter sur les surplombs des rocs, ou « souffler » les sapins avec leurs moteurs, dans le fracas sonore de l’effet de réacteurs dont l’écho est amplifié par la proximité des parois. C’est toute la magie du Glaris.

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François Brévot,