Le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE), a présenté les perspectives de l’armée de l’Air à la commission de la Défense, de l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2024.

Ce document, qui devait encore être voté par le Parlement, prévoit notamment les livraisons de deux A400M, de 14 Mirage 2000D rénovés à mi-vie et de 13 Rafale, mais aussi d’infrastructures essentielles, comme le hub des armées d’Istres, qui permettra d’utiliser à plein la colocalisation des 12 Phénix et des trois Airbus A330-200. La base d’Orange aura aussi un premier escadron de Rafale opérationnel, grâce, notamment, aux 13 appareils qui doivent être livrés par Dassault Aviation.

La prochaine base Rafale prévue est Luxeuil, vers 2032 : elle devrait perdre ses Mirage 2000-5 vers 2028.

Les commandes 2024 anticipent quatre systèmes VL Mica (pour compenser le retrait des Crotale-NG, en partie livrés à l’Ukraine) et surtout de huit SAMP-NG.

L’armée de l’Air « réfléchit à des projections à distance », a expliqué le CEMAAE, interrogé sur les conséquences du retrait du Niger, par le député RN Frank Giletti, rapporteur des crédits de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Les Caracal de l’armée de l’Air et de l’Espace sont ravitaillables en vol. Nous faisons régulièrement des missions qui permettent d’avoir des effets à distance en décollant de l’Hexagone, avec des sauts de parachutistes au milieu de l’Afrique, des livraisons par air depuis la métropole : notre capacité d’actions depuis l’Hexagone ne cesse de s’améliorer.

Le sujet des points d’appui devient crucial, à nous de savoir choisir et consolider nos points d’appui. Nous avons aussi une ressource considérable, les outre-mer. L’armée de l’Air et de l’Espace se met en mesure de répondre, c’est bien cela qu’il y a derrière Pégase, quand des MRTT singapouriens décollent de Singapour pour ravitailler des Rafale français. Nous construisons un modèle qui nous permet d’être plus actifs à plus longue distance. »

Le général Mille a également précisé au même député la montée en puissance des déploiements d’A400M outre-mer. « Fin 2024, nous aurons 23 A400M ; en fin de LPM, au moins 35. En fonction du nombre d’avions disponibles, on peut imaginer d’en avoir plus à l’extérieur de l’Hexagone, pas forcément plus stationnés à l’extérieur de l’Hexagone, ce qui pose un problème de maintenance, il faut des infrastructures. On aura de plus en plus d’A400M présents dans les outre-mer, en 2024, 15 jours par mois et demi, avec un appareil présent en permanence à partir de 2027. Si on a besoin de ces A400M pour une évacuation de ressortissants, on les fera rentrer. Aller jusqu’à cinq A400M en outre-mer, c’est très optimiste, mais qu’on puisse en avoir ponctuellement cinq en outre-mer, cela pourra arriver ; quand on envoie Pégase, on en a quatre entre Polynésie et Nouvelle-Calédonie. »

Répondant au député LR Jean-Louis Thiériot, le CEMAAE a précisé que le potentiel annuel unitaire des Rafale était passé de 250 heures à 290, permettant de compenser partiellement les 24 appareils prélevés pour l’export (Grèce et Croatie, qui avait reçu son premier appareil deux jours plus tôt). Il s’est félicité d’une hausse de disponibilité dans l’aviation de chasse avec trois points gagnés, constatant que les autres parcs connaissaient « un plateau, voire une légère baisse ».

Plus tard il a évoqué une « fragilité sur les hélicoptères » notamment les Puma qui auront bientôt 50 ans. « Entretenir une flotte de 50 ans, c’est forcément compliqué, a expliqué le général Mille. Nous aurons en 2024 la livraison du premier Caracal du plan de soutien aéronautique [promis à la Guyane], et nous enchaînerons par des livraisons qui permettront de récupérer 16 appareils pour remplacer 20 Puma. »

Interrogé sur le drone Aarok de Turgis & Gaillard, le général Mille a évoqué une « démarche intéressante, un objet séduisant sur le papier ». Avant d’ajouter : « Moi, je suis prêt à payer pour voir. Le développement sur fonds propres est intéressant, cela interroge dans le monde industriel de la défense, il faut aller voir ce qu’on est capable de sortir dans une démarche de ce type. »

Pour la relève des C-130H et Casa 2035 dans le courant de la prochaine décennie, il a cité le FCTM (futur cargo tactique médian) : « Parfois l’A400M transporte trop pour des transports locaux, infra-théâtres, en outremer : le FCTM est chargé de répondre à ces besoins. J’en discute avec mes homologues européens, dont certains n’ont pas d’A400M. »

En matière de lutte antidrone (LAD), le CEMAAE a évoqué la mobilisation pour la Coupe du monde de rugby, qui a vu les premières expérimentations du système Parade.

400 heures de fonctionnement de plots de LAD ont été nécessaires sur neuf sites, soit 20 fois plus qu’un dispositif particulier de sûreté aérienne. Mais ce n’est qu’une infime partie de ce qui sera nécessaire lors des Jeux olympiques l’an prochain, avec 4 000 heures de LAD déjà prévues sur pas moins de 42 sites.

Tous moyens d’intervention et de surveillance confondus, les JO devraient mobiliser « plus de 1000 aviateurs ».

Le CEMAAE a aussi confirmé la poursuite de la montée en puissance des escadrilles Air Jeunesse (EAJ), dont il avait inauguré la 19e à Avord quelques jours plus tôt. « Une trentaine » seront opérationnelles en 2024.

Il s’est interrogé à haute voix sur la capacité à « augmenter la capacité d’accueil » alors que l’armée de l’Air et de l’Espace reçoit « plus de demandes que de capacités à accueillir ».

Le CEMAAE n’a pas livré de format maximum, rappelant par ailleurs que les RAF Cadets britanniques, qui ont inspiré les EAJ, comprenaient 44 000 jeunes.

600 postes supplémentaires seront ouverts en 2024, et le CEMAAE a évoqué la nécessité de bras supplémentaires « car on a besoin d’armer des bases supplémentaires pour disperser nos avions ».

À noter que, durant son audition parlementaire, le ministre des Armées Sébastien Lecornu avait, quant à lui, annoncé pour 2024 l’augmentation de 40 % du budget d’acquisition des munitions simples (hors missiles de croisière et nucléaires), et 13 heures supplémentaires pour chaque pilote de Rafale, soit une augmentation de 10 %, et 21 heures de plus pour les équipages A400M (soit environ 10 % de plus également). Ces mêmes équipages pourront aussi bénéficier d’une piste sommaire, qui sera construite l’an prochain.

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AAE, Capture d’écran/ Assemblée nationale