Contrairement à toute autre arme conventionnelle, la bombe GBU-57 Massive Ordnance Penetrator (Guided Bomb Unit) offre une solution précise et non nucléaire aux menaces cachées sous des montagnes ou des bunkers renforcés, remodelant les stratégies militaires des États-Unis et de leurs adversaires.

Un emploi massif

Pendant des années, les bombes GBU-57 MOP ont été considérées comme une arme de dernier recours, testées mais jamais utilisées dans des combats réels. Cela a changé récemment lorsque des rapports ont émergé selon lesquels l’armée américaine a déployé le GBU-57A/B MOP contre l’installation nucléaire hautement fortifiée de Fordow en Iran, un site souterrain profond considéré comme imperméable aux attaques conventionnelles. Il s’agissait de la première utilisation opérationnelle connue de la bombe GBU-57 Massive Ordnance Penetrator, marquant ainsi un nouveau chapitre dans la projection de la force stratégique américaine et démontrant l’objectif prévu de la bombe dans des scénarios de conflit réels.

Dans la nuit du 21 au 22 juin 2025, les États-Unis décident du déclenchement de l’opération Marteau de minuit (Midnight Hammer). À partir de 2h10 (heure iranienne), ils bombardent l’usine d’enrichissement d’uranium de Fordo avec douze GBU-57 larguées par six B-2, le site de Natanz avec deux GBU-57 larguées par un B-2. Quant au centre de technologie et de recherche nucléaire d’Ispahan il est traité par des missiles de croisière Tomahawk tirés depuis un sous-marin. Une soixantaine d’autres munitions air-sol et anti-radar sont tirées par les avions de combat escortant les B2 SPIRIT.

Genèse de cette bombe

Avant les années 2000, les États-Unis s’appuyaient sur des armes anti-bunker comme la GBU-28 et la GBU-37, bombes qui ont été efficaces contre certaines cibles endurcies. Mais les services de renseignement ont révélé que des installations ennemies potentielles (les installations nucléaires souterraines de l’Iran et les sites de stockage de missiles de la Corée du Nord) étaient construites plus profondément, sous des chappes de béton, et sous la couverture géologique afin de protéger au maximum leurs actifs les plus précieux.

A partir de 2002, le Pentagone donne son aval à Northrop Grumman et Lockheed Martin, quant à la conception de la bombe GBU-57 Massive Ordnance Penetrator. À la suite de problèmes financiers et techniques le projet est suspendu. En 2003, à la suite de l’invasion de l’Irak, le retour d’expérience révèle que les bombes anti-bunkers (GBU28 et 37) utilisées, n’avaient qu’une efficacité relative, parfois incapables de détruire complètement certaines structures profondément enfouies.

Dès l’ores, l’administration américaine ordonne la relance du développement d’une bombe anti-bunker lourde et confie le contrat à Boeing Defense, Space & Security. Les ingénieurs de Boeing sont chargés de concevoir une bombe avec une profondeur de pénétration inégalée, suffisamment lourde pour fissurer d’épais boucliers de béton et suffisamment intelligente pour détecter les vides et exploser au moment précis pour un effet maximal.

Bien que prévue pour être utilisée par des bombardiers B52 et B2, la décision est prise pour ne s’orienter que sur le B2 furtif. Le 19 septembre 2007, Northrop Grumman annonce un contrat de 2,5 milliards de dollars américains portant sur l’adaptation des bombardiers furtifs B2. Connu pour ses capacités d’évasion radar et sa portée de frappe (capable de remplir des missions de 50 heures en vol), le B-2 était le choix idéal pour convoyer la bombe GBU-57 Massive Ordnance Penetrator.

Après huit ans de recherche et de développement, le GBU-57A/B MOP est entré en service en 2011.

En avril 2011, le Global Strike Command, le commandement de l’United States Air Force qui prend en compte les missions nucléaires de l’Armée de l’air des États-Unis passe un premier contrat de huit bombes MOP pour 28,2 millions de dollars et un deuxième pour 8 autres bombes en août 2011 pour 32,1 millions de dollars en août 201. Dès septembre de la même année, le Global Strike Command commence à les réceptionner.

En 2013, pour faire suite aux renseignements sur les installations du programme nucléaire iranien et nord-coréens, des modifications sont réalisées afin de parfaire son efficacité. L’amorce de la bombe (système pyrotechnique destiné à exploser pour déclencher la réaction explosive) est améliorée afin de maximiser le pouvoir de pénétration. Cette amorce est réglée spécialement afin de résister aux chocs induits par les couches de granit et d’acier. Quant au système de guidage il est affiné pour plus de précision.

En octobre 2015, Boeing Defense, Space & Security est notifié pour un contrat exclusif concernant la refonte, la qualification et les essais de cette munition, prévue en petite quantité. En effet, l’USAF disposerait de 20 bombes.

Le 8 février 2018, un contrat de 21 millions de dollars est accordé à Boeing pour une livraison au plus tard au 31 juillet 2020 de ces nouvelles GBU-57 MOP.

Les bombes GBU-57 MOP depuis la version initiale, ont subi de multiples améliorations, la dernière connue étant l’ajout d’un système de fusée intelligent composé d’un pénétrateur amélioré à létalité et d’une fusée spécialisée à détection de vide. Ce système permettant à la bombe de détecter quand elle a atteint une poche d’air ou un « vide » (tunnel, salle…) avant d’exploser, assurant ainsi la destruction des ressources ennemies cachées.

Environ 400 millions de dollars ont été dépensés pour l’achat et la modernisation de vingt de ces bombes.

Caractéristiques de cette bombe

La GBU-57 MOP est une bombe anti-bunker guidée avec précision par GPS/INS de précision. Presque six fois plus massive que les munitions anti-bunker de la génération précédente, comme la GBU-28 (2 270 kg) elle affiche un poids de 13,6 tonnes. D’une longueur de 6,25 mères et d’un diamètre de 800 mm, elle emporte une masse d’explosive de 2,7 tonnes.

Sa masse et son architecture (nez en uranium appauvri), son angle d’attaque su sol (vertical), lui confère un pouvoir de pénétration de 61 m avant l’explosion de la charge militaire. Sa précision d’impact au sol est de moins d’un mètre.

Une bombe si puissante et si précise qu’elle peut détruire des installations souterraines durcies, enfouies sous 60 mètres de profondeur sans laisser de trace à la surface, à l’exception du trou de pénétration d’un mètre environ de diamètre. Ce n’est plus de la science-fiction, mais la réalité mise aux yeux du monde entier en cette fin juin, sur le sol ou plutôt le sous-sol iranien.

Aujourd’hui, la bombe GBU-57 Massive Ordnance Penetrator a démontré son rôle essentiel dans la stratégie militaire américaine, son existence façonnant les discussions sur la politique étrangère et les postures de défense.

Le coût de la précision et de la puissance

Le coût exact de la GBU-57 reste officiellement classifié, mais on estime que chaque bombe GBU-57 MOP vaut environ 20 millions de dollars l’unité. Ce coût exorbitant est dû au processus de fabrication spécialisé de la bombe, aux systèmes de guidage avancés et la capacité de pénétration unique.

Au-delà du coût de la bombe, son déploiement implique des dépenses opérationnelles supplémentaires liées en particulier à son vecteur d’emport le B2 Spirit. Seul le bombardier furtif B-2 Spirit est capable de larguer cette bombe (du fait de sa masse) sachant qu’une heure de vol en mission du B-2 est d’environ 150 000 $.

La mission Midnight Hammer pourrait avoir coutait la somme de 3 milliards de dollars, sans compter les appuis aériens, ravitaillements et autres missiles Tomahawk, ni même les B2 « leurres » qui se sont envolés vers l’ouest américain afin de détourner l’attention.

En effet, 7 avions B2, sur 37 heures de mission, larguant 14 GBU 57, cela fait un ordre de 320 millions de dollars au minimum.

Mais cela serait-il le prix de la non-prolifération de l’arme nucléaire aux mains des Mollahs iraniens ?

Si l’on tient compte de la planification de la mission, de la maintenance, du ravitaillement en carburant et de la formation des équipages, le coût réel de l’utilisation du briseur de bunker GBU-57 va bien au-delà du prix de fabrication de la bombe. Cela fait de la MOP non seulement une merveille technologique, mais aussi l’une des armes conventionnelles les plus chères jamais conçues pour une utilisation limitée et à enjeux élevés.

Bien que les retombées politiques et stratégiques de la frappe de Fordow restent à voir, l’événement a validé des années d’efforts de conception, d’essai et de développement derrière les bombes anti-bunker GBU-57. Les analystes de la défense du monde entier réévaluent l’équilibre des forces, notant qu’aucune installation souterraine – même aussi fortifiée que Fordow – n’est à l’abri d’un assaut déterminé de la MOP.

En résumé, la GBU-57 est une arme redoutable, conçue pour neutraliser des cibles enfouies profondément sous la surface, combinant puissance explosive, précision et capacité de pénétration hors norme. Son déploiement reste une opération stratégique, nécessitant une planification minutieuse et une considération éthique rigoureuse.