Les 26 et 27 août 2023, Radom Air Show a confirmé son rang de plus grand meeting militaire organisé sur le flanc est de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne (UE). Les 250 000 à 300 000 spectateurs rassemblés ne s’y sont pas trompés, tandis que l’armée polonaise tournait la page de la technologie ex-soviétique.

Réorganisé pour la première fois depuis cinq ans les 26 et 27 août 2023 sur la base de Radom-Sadkow, à 138 km au sud de Varsovie, le meeting polonais n’a pas failli à sa réputation. Comme toujours en Europe de l’Est, la fréquentation y est plus enflammée, familiale, moins « BCBG », voire plus populaire que chez les Anglo-Saxons. Une ambiance globale s’apparentant même à un véritable Woodstock de l’aviation — comme le disait autrefois Bernard Chabbert au meeting géant de Payerne — avec des kilomètres carrés de familles assises dans l’herbe où la bière locale « Tyskie » a coulé à flots, et ce, sous une chaleur atteignant les 28 °C. La foule, baignant alors dans les vapeurs de kérosène et le fracas du métal hurlant, a assisté à cet opéra du ciel.

Une trentaine d’aéronefs militaires polonais de la Siły Powietrzne Rzeczypospolitej Polskiej (Force aérienne polonaise) ont été exposés au sol : Su-22M4, MiG-29, F-16 C/D, Aermacchi M-346, KAI FA-50, PZL M-28 Bryza, ou encore hélicoptères de facture soviétique tel qu’un Mil Mi-14 naval. D’autres rotors ont été présentés en vol par les composantes armées du pays : W-3 SAR, PZL SW-4, Leonardo/PZL Świdnik AW101, dont quatre ont été « réceptionnés » par la Marine polonaise depuis août dernier [1]. Ce dernier a sans aucun doute réalisé la meilleure des prestations en vol proposées dans la journée par l’ensemble des aéronefs de dernière génération entrés en service dans le pays. Autre appareil livré par Leonardo, le M-346, qui n’a pas brillé en vol par son éclat. Enfin, surprise, aucun F-35 n’était là, même sous cocardes étrangères.

[1] Afin de remplacer les six derniers Mil Mi-14 ASW.

Pourtant, Lockheed Martin et Boeing ont planté sur la base leurs meilleurs pavillons V.I.P., normalement dimensionnés pour les salons commerciaux. Peut-être est-ce aussi à cause de la pression marketing américaine que l’armée polonaise a décidé d’abandonner les vols « solos » de quelques-uns de ses derniers MiG-29 et Su-22 opérationnels… Décevant, les vedettes d’autrefois se sont contentées de passages pyrotechniques de moins d’une minute. Les Polonais ont préféré « communiquer » à l’américaine avec leur nouveau F-16 « Tiger Demo Team », déployant son ballet sonore réussi de 17 minutes avec flamme bleue en tuyère et flares sur fond de coucher de soleil le samedi.

Autre sponsor central, Korea Aerospace Industries avec un pavillon où son Chief Executive Officier (CEO ou PDG en français) accueillait ses clients — une fois n’est pas coutume — en tenue de pilote d’essai à l’effigie de sa société. Dans ce contexte, deux exemplaires de KAI FA-50 — sur les quarantehuit commandés par la Pologne voici un an – participaient. Livrés le 9 juillet dernier, ils se trouvaient en août sur la base de Minsk en phase de transformation opérationnelle. Un unique FA-50 a défilé en formation avec un MiG-29, tandis que le second était exposé sur le pavillon avec une panoplie de munitions.

En réalité, ce sont les cinq displays étrangers — sur avions de combat — qui ont livré l’énergie indispensable pour donner de l’impact à ces journées : un JAS-39 Gripen tchèque, un F-16 grec, un F-16 danois, un F-18 C finlandais et un Typhon de la Royal Air Force (RAF). L’équipe du « Rafale Solo Display » de l’armée de l’Air et de l’Espace a annulé trois jours avant le show.

Et c’est peu dire que d’affirmer à quel point l’impact de la guerre d’Ukraine était visible sur le contenu du meeting tel que nous le connaissions il y a encore cinq ans : ex-vedette des précédentes éditions, l’ombre du pilote de démonstration du Su-27 de l’armée de l’Air d’Ukraine — tué au combat en février 2022 — semblait planer sur un Radom. Mais le capitaine Henri Toppari de l’Ilmavoimat (Force aérienne) finlandaise, aux « sticks » d’un F-18, a su remplacer son prédécesseur ukrainien au rang de meilleur pilote de démonstration de l’année, notamment en réalisant un début de « cobra » — rare sur Hornet — se terminant avec un rétablissement à plat.

La Pologne a-t-elle vraiment tourné la page de son ère soviétique ? Rien n’est moins sûr quand on y observe le ballet de deux MiG-15 assemblés dans le pays dans les années 1950 : un monoplace LIM-2 et un biplace SB LIM-2, deux avions opérés par l’association Fundacja Eskadra. Autres avatars de ce patrimoine communiste, deux TS-11 Iskra privés conservés dans leur jus, alors que la patrouille nationale Bialo-Czerwone Iskry — autrefois dotée de ce type d’avion — a été dissoute et remplacée par la Orlik Aerobatic Team opérant sur six PZL-130.

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François Brévot