L’armée de l’Air et de l’Espace a largement contribué à évacuer les ressortissants étrangers du Soudan, en avril dernier, grâce à cinq A400M positionnés sur la base aérienne 188 de Djibouti, à un Phénix, un C-130H de l’escadron de transport 3/61 « Poitou », un C-130J de l’escadron franco-allemand, ainsi qu’à des Mirage 2000D et un drone Reaper des forces françaises au Sahel. Elle a aussi fourni deux groupes action du commando parachutiste de l’air n°10 (CPA 10), qui opéraient au sein d’un détachement comprenant également des commandos marine et des gendarmes du GIGN.

À la mi-avril, quand les combats entre les forces armées soudanaises (FAS) et les paramilitaires des forces de soutien rapide (RSF) ont éclaté à Khartoum, Paris observait de près la situation, soucieux des risques encourus par les civils étrangers piégés dans la ville. L’état-major des armées est rompu aux opérations de Resevac (évacuation de ressortissants), la dernière remontait à l’été 2021, à Kaboul. L’enclavement du pays avait déjà naturellement mobilisé un dispositif à base de C-130H, Atlas et de commandos du CPA 10.

Le plan de Resevac pour le Soudan avait été actualisé fin 2022, si bien que l’opération Sagittaire, à son lancement, disposait déjà de nombreux éléments facilitateurs. Le dispositif aérien est parti de métropole le 18 avril, avec à son bord des véhicules, ainsi qu’une capacité chirurgicale de première urgence (module de chirurgie vitale ou MCV) développée à l’origine pour les forces spéciales, notamment pour ce genre de situation opérationnelle.

Restait à gérer l’imprévu au Soudan, et les strates décisionnelles des parties en présence, la France ayant affiché dès le départ sa neutralité. Un aéroport encore intact à 20 km au nord de Khartoum a été préféré à l’aéroport principal en centre-ville, jugé trop exposé aux combats. Dès le 21, les commandos étaient prêts pour leur entrée en premier à Khartoum, mais l’action a été reportée de 24 heures. L’entrée en premier réalisée par le C-130H a pu se dérouler de nuit et sans difficulté majeure, malgré les risques. « Le C-130H s’est posé de nuit, sous menace sol-air, et alors que des tirs sol-air montaient de-ci de-là », raconte le général de division aérienne Laurent Boïté, commandant les FFDJ. « C’était une prise de risque, pour pouvoir permettre de poser les A400M. » Cette phase essentielle pour la suite de l’opération Sagittaire a permis aux A400M de transporter des véhicules (certains blindés) ainsi que le MCV. Les sept rotations d’A400M et un nombre indéterminé de C-130H n’ont pas subi de tirs ; par contre, un commando des forces spéciales a été sérieusement touché lors d’un premier convoi entre le centre de Khartoum, où étaient organisés les points de regroupement de ressortissants, et l’aéroport utilisé par les Français. En 48 heures, le dispositif français a pu évacuer près de 500 ressortissants, principalement étrangers.

La cadence a pu être élevée à la fois grâce au nombre d’A400M mobilisés, à la faible distance de transit entre le Soudan et Djibouti (ce qui rappelle l’intérêt des points d’appui étrangers) et une bonne organisation des points de regroupement… sans trop de grains de sable. Le terrain ouvert par les Français a bénéficié à d’autres militaires étrangers venus également avec des moyens aériens, comme les Britanniques, les Espagnols et les Italiens.

En parallèle, dès le 20 avril, la frégate multimissions à capacité de défense aérienne renforcée Lorraine a, elle aussi, été intégrée dans l’opération Sagittaire. Elle est venue charger à Djibouti un Puma du DETALAT afin de pouvoir évacuer rapidement d’éventuels blessés, ou de réaliser des missions d’extraction.

Précaution qui s’est avérée finalement superflue, puisque près de 400 ressortissants d’un convoi de l’ONU ont pu se glisser, le 25 avril, à bord de la Lorraine depuis le quai de Port-Soudan, avant d’être déposés, le lendemain, en Arabie Saoudite.

Les 27 et 28 avril, les opérateurs de Sagittaire ont réalisé une troisième et dernière étape à El Fasher, au Darfour (à environ 800 km au sud-ouest de Khartoum), pour évacuer une centaine de personnes, membres de l’ONU et d’ONG humanitaires. C’est à ce moment précis que les Mirage 2000D et le Reaper des forces françaises au Sahel ont été mobilisés, pour la première fois autant à l’est.

Une fois encore, le « Poitou » a ouvert le terrain de nuit, précédant les A400M chargés de convoyer les humanitaires, ainsi que le MCV. Au total, dans ces trois séquences distinctes, Sagittaire a permis d’évacuer un millier de ressortissants de 84 nationalités et, ce qui est peu courant (mais c’était déjà le cas lors de l’évacuation de Kaboul en 2021), une minorité de Français.

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EMA